Israël est maître dans l’art dans la création de startups. Un moyen pour ces entreprises de se développer : le coworking ; un environnement de travail et de distraction. Urban Place s’est lancé dans ce milieu depuis cinq ans. Quelques années lui ont suffi pour figurer parmi les meilleurs espaces de travail à Tel-Aviv.Hier Romain Levy était sur scène durant la dixième édition de TransTech pour recevoir la Médaille d’Or de la CCIIF.

INTERVIEW. (www1.alliancefr.com) Romain Levy, l’un des trois cofondateurs d’Urban Place.

Quel est votre parcours ?

Notaire pendant dix ans, j’ai décidé de faire mon Alya avec ma famille. Pour moi, c’était un véritable challenge. Les Français ont malheureusement mauvaise réputation, c’est pourquoi, en partant en Israël, je voulais casser cette image du français qui ne réussit pas.

Pour ce faire, j’ai donc consacré un an de ma vie dans l’apprentissage de la langue dès mon arrivée en Israël. Il est primordial de maîtriser la langue si l’on veut s’intégrer. Durant cette année, j’ai effectué deux sessions d’Oulpan (cours d’hébreux). J’ai passé mon équivalence dans le notariat.

Durant mon stage, j’ai découvert un autre aspect de la profession. En Israël, il est bon de savoir qu’un notaire est un véritable homme d’affaires. Il est vrai que j’ai connu quelques problèmes d’éthiques. Contrairement à la France, les Israéliens essayent de passer outre les règles.

Grâce à cela, j’ai découvert la communication, un métier vraiment à part entière qui demande certains traits de caractère, comme la sociabilité, l’écoute. Le contact humain m’a toujours attiré c’est ainsi que j’ai commencé ma reconversion et je me suis lancé dans ce nouveau business.

Lorsque l’on cherche à s’intégrer, on s’aperçoit que nous ne sommes pas seuls. Beaucoup s’intègrent, font l’armée, apprennent la langue, étudient et construisent quelque chose de réellement solide.

Pourquoi avoir décidé de vous lancer dans le coworking ?

C’est un pur hasard. Il est important de ne pas se retrouver isolé, c’est pourquoi, avec deux amis, Bernard Kalfon et Claude Bismuth, nous cherchions des locaux pour travailler chacun dans son domaine respectif. Un est dans le développement et l’autre dans la finance. Cela nous a permis par la même occasion de mutualiser les coûts de fonctionnement.

Nous pouvons dire en quelque sorte que nous avions été nos propres clients. Par la suite, après négociations avec le propriétaire, on nous a proposé l’étage complet. C’est ainsi que nous nous sommes lancés dans ce nouveau projet.

Le phénomène du coworking m’a toujours attiré, notamment grâce à sa proximité à l’immobilier. Nous avions donc décidé d’ouvrir un premier espace au 3 Boulevard Rotschild à Tel-Aviv (plus tard, il portera le nom d’espace pilote). Pour mettre toutes les chances de notre côté, nous avons été très à cheval et nous avons travaillé notre propre ADN, qui différenciera Urban Place des autres espaces de coworking. Soucieux du moindre détail, nous avons essayé de nous démarquer de la concurrence.

Une chose est importante à savoir dans ce milieu. La différence entre le centre d’affaires et le coworking est la communauté. Elle doit être au centre de nos activités. Nous sommes à leur écoute ; nous les conseillons ; nous les rencontrons et nous essayons de les orienter via nos expériences.

Mais ça ne s’arrête pas là, la communauté doit se sentir unique. Nous rencontrons plusieurs startups de notre centre par mois. A l’aide d’un speech que nous avons élaboré en amont, les entreprises doivent se présenter, parler de leurs expériences et doivent donner des chiffres concrets. Grâce à la complémentarité de mes associés, nous avons une polyvalence. Cela apporte une valeur ajoutée. Nos membres sont souvent des startups et n’ont pas forcément l’approche du business.

Nous avons compris qu’il faut se démarquer de la concurrence. Pour cela, nous essayons de leur offrir les services les plus complets.

Lorsque vous aviez ce projet en tête, comment êtes-vous passé à sa réalisation ?

Je n’avais aucune expérience dans ce milieu. Mes associés m’ont été d’une aide inestimable. Lorsque nous découvrons un nouveau milieu, il ne faut pas avoir peur de voir comment ça se passe ailleurs, bien sûr, tout en gardant ses valeurs.

Il faut savoir commencer de zéro, poser pierre par pierre, sans brûler les étapes.

La chose fondamentale lorsque nous entreprenons un nouveau projet est de connaître ses limites. Savoir se dire, je ne connais pas. Il faut donc s’entourer de bonnes personnes. Après c’est comme toute chose, il faut oser.

Qu’est-ce qui vous a permis de réussir dans votre projet ?

Lorsque je suis arrivé en Israël, je n’avais aucune attente du pays. Je ne voulais pas faire les choses à moitié. Si j’ai fait mon Alya, c’est pour repartir de zéro. J’étais prêt à servir des cafés.

La culture, les manières de vivre sont tellement différentes de la France. Il faut être prêt à commencer une nouvelle vie. Au final, c’est ce qui m’a permis de tomber amoureux d’Israël. Lorsque nous sommes nouvel immigrant, instinctivement, nous nous mettons des frontières avec ce qui est étranger à notre culture.

Nous nous sommes adaptés au marché. Il ne faut pas chercher à rendre les Israéliens français, mais plutôt à devenir soi-même israélien, tout en gardant ses racines qui sont très importantes et fondamentales.

Il faut essayer de comprendre l’Israélien. Par la suite on se rend compte qu’ils sont très agréables, honnêtes, respectueux et que l’on peut très bien vivre ensemble. L’objectif d’Urban Place était de devenir un acteur israélien plutôt que francophone. Nous avons plus de 500 membres, aujourd’hui 80% sont israéliens et pour moi c’est la plus belle réussite.

Je suis croyant et tout vient de Dieu. En se disant ça, on ne peut qu’aller bien. On commence doucement, on prend le temps de bien s’intégrer et après, tout se fait naturellement.

Les codes sont totalement différents de la France. Lorsque nous recrutons du personnel, nous ne regardons pas le CV, mais l’humain avant tout. C’est ce qui fait la magie de ce pays. On apprend de tout le monde, du livreur, du chauffeur, nous sommes tous au même niveau.

En Israël, il y a beaucoup de coworking, comment est-ce que vous vous démarquez de la concurrence ?

Ce n’est pas un phénomène de mode, c’est une manière de travailler. C’est l’avenir du travail. Les gens payent pour ce qu’ils consomment.

Toutes les professions sont des cibles potentielles du coworking. Il y a cette volonté de travailler ensemble.

L’espace doit s’adapter dans la ville dans laquelle il est implanté. Notre architecte a travaillé le code couleur. Par exemple, ici à Tel-Aviv, la couleur phare est le blanc, le bleu rappelle la mer. Dans les formes, on essaye de se coller à l’espace de vie.

Le plus important est le liant avec la communauté, c’est une famille. Il faut instaurer une proximité, certes ils ne sont pas habitués à cela, mais ça leur plaît. Il faut qu’ils se sentent bien pour venir, mais surtout pour rester. Il y a beaucoup de concurrences, il faut savoir se démarquer.

Pourquoi les startups choisissent votre espace plutôt qu’un autre ?

Il faut se démarquer de la concurrence, offrir plus de services que d’autres espaces. Aujourd’hui, nous proposons diverses activités. Il y a des tournois de ping-pong, une salle de sport, mais également un cinéma.

Les membres ont accès à la salle de sport quand ils le désirent.

Mais ce n’est pas tout, lorsque les membres viennent à Urban Place, ils sont également là pour faire des rencontres, se sentir à l’aise, travailler dans de bonnes conditions. Une fois par semaine, nous organisons des Happy Hour. C’est un lieu de travail, mais surtout de convivialité, d’échanges, la communauté a un attachement pour ce lieu.

L’objectif d’Urban Place était de créer avant tout une communauté réelle, apprendre à connaître les membres, chercher à les aider. Et ça de manière gratuite. C’est une vraie valeur puisqu’ils restent chez nous plus longtemps que les autres. Le turnover est de 4 mois en moyenne, chez nous elle est plus de 8 mois.

Nos membres sont plus âgés parce qu’on a su séduire des gens qui ne se disaient pas prêts au coworking. Donc on a voulu construire une marque tout en restant fidèle à nos membres.

Nous avons un message pour eux. Venez, travaillez, on s’occupe du reste. Nous nous ne sommes pas arrêtés aux services de la vie quotidienne, de maintenance, Internet, ménage, mais nous sommes allés plus loin.

Le mode de développement d’une startup est à l’opposé des sociétés, dites plus traditionnelles. Une startup n’a pas vraiment de projection au-delà de 6 mois. Nous sommes actifs au sein de leurs projets. Nous leur proposons de travailler avec des avocats, des experts-comptables, des personnes qui peuvent apporter un vrai plus considérable pour leur entreprise. Nous cherchons avant tout à les aider, les accompagner dans leur vie.

Plus qu’un espace de travail, c’est un concept de vie. Aujourd’hui nous avons des exemples concrets. Trois personnes ont monté une startup il y a quelques années. Dernièrement, ils ont levé plus d’un million de dollars et ils sont maintenant une vingtaine de salariés dans l’entreprise et ont trois bureaux dans nos locaux.

Après c’est comme tout, il faut se démarquer de la concurrence et proposer toujours plus à nos membres.

Comment voyez-vous l’avenir dans 5 ans ?

A moyen terme, nous allons continuer notre développement national. Nous allons encore ouvrir trois, quatre espaces supplémentaires. On souhaite également s’élargir à l’international, en Europe. Parce que c’est un marché où il reste encore tout à faire dans certains pays. Cela devrait se faire en début d’année 2019.

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